En gestation depuis décembre 2020, date de la première demande de Permis de Construire, le projet de parc photovoltaïque d'OZE (Communauté de Communes Buëch Dévoluy), après plusieurs évolutions, est en enquête publique pour un mois (15juillet - 14 aoüt).
Le dossier de consultation du public est en ligne sur le site de la préfecture des Hautes-Alpes à l'adresse suivante : https://www.hautes-alpes.gouv.fr/Actions-de-l-Etat/Environnement-bruit-risques-naturels-et-technologiques/Participation-du-public-Enquetes-publiques/Enquetes-environnementales/OZE-Parc-photovoltaique.
Le public pourra déposer une contribution :
- sur le registre d'enquête publique à disposition en mairie d'Oze
- par correspondance destinée au commissaire enquêteur en mairie d'Oze.
- par voie électronique sur l'adresse mail suivante : pref-parcsolaire-oze@hautes-alpes.gouv.fr
L'association Haut Buëch Nature rappelle à ce sujet sa position sur les Énergies Renouvelables Intermittentes :
- AUCUNE IMPLANTATION D'ÉOLIENNE TERRESTRE DANS LES HAUTES-ALPES
- AUCUNE IMPLANTATION DE PANNEAUX PHOTOVOLTAÏQUES AU SOL EN MILIEU NATUREL AGRICOLE, PASTORAL OU FORESTIER
- NOUS RESTONS FAVORABLES A L’INSTALLATION DE PANNEAUX SOLAIRES CHEZ LES PARTICULIERS , SUR LES TOITURES OU LES ZONES ANTHROPISÉES DES COMMUNES AUX FINS D’AUTOCONSOMMATION (CENTRALES VILLAGEOISES).
Nous sommes donc totalement opposés à l'implantation de ce site industriel de panneaux solaires qui va artificialiser près de 17 hectares d'espaces naturels : 8,3 hectares de pins sylvestres et taillis de chênes et un périmètre supplémentaire de 8,5 hectares résultant de l'Obligation Légale de Débroussaillement.
![]() |
photo CETIAC - Étude Préalable Agricole |
un propriétaire privé avec le soutien de la commune à l'origine du projet
C'est sur les terres de la SCEA du Domaine de Siva, domicilié au très écolo Domaine de Sivas, qu'aura lieu l'arasement des parcelles forestières destinées à accueillir le parc photovoltaïque scindé en deux entités clôturées reliées par une piste de 113 m sur le plateau du Deveson (schéma ci-dessous).
Par délibération du 23 février 2024, le Conseil Municipal de la Commune d'OZE, dans un "copié collé" sans complexe du dossier de présentation de l'opérateur ENGIE GREEN a réitéré son approbation du projet.
Au-delà du blabla habituel justifiant la coupe rase d'un espace forestier sur sa commune, on comprend bien, à la lecture de cette délibération, que le seul motif d'approbation des élus est purement financier : "le projet permettra de percevoir environ 10 000 euros d'impôts et taxes chaque année. Ces recettes représenteront 6,25% du budget communal, ce qui est loin d'être négligeable ..."
La production annoncée par l'opérateur de 11 325 MWh/an, et repris sans contrôle dans la délibération municipale est pour le moins très optimisée. Si l'on en croit la dernière mouture du projet, les 6,98 ha plantés de panneaux solaires ne produiront guère plus que 7 500 MWh annuellement compte tenu d'une puissance installée de 5,6 MW (selon les normes du Comité Régional de l'Énergie PACA, 08 MW à l'hectare) et d'un facteur de charge des panneaux solaires de 15,42% (source : bilan RTE PACA 2024).
Par suite, hormis les retombées financières qui bénéficieront principalement au propriétaire du terrain, l'estimation des retombées fiscales au titre de l'IFER (imposition forfaitaire des Entreprises de Réseaux) seront de l'ordre 4 000 € pour la commune, 10 000 € pour la CCBD et 6 000 € pour le département 05 (source : https://www.collectivites-locales.gouv.fr/finances-locales/imposition-forfaitaire-des-entreprises-en-reseau).
Cela vaut-il vraiment le coup de saccager 17 hectares de son territoire communal ? D'autant, comme on peut le découvrir dans les documents d'enquête publique, que l'exploitant du site ne sera pas ENGIE GREEN, confortable société au capital de 211 800 000 € mais par SolaireD0009, une filiale au capital de 1 000 € pour une durée de 40 ans !
Comme d'habitude les porteurs de projets d'EnRI prévoient dès le départ l'insolvabilité de leur filiale exploitante, laissant sur les bras du propriétaire du terrain et de la collectivité, les coûts de démantèlement des installations (relire à ce sujet notre dernière lettre ouverte aux élus).
On peut donc légitimement s'interroger sur la caution consignée par l'exploitant pour le démantèlement et la remise en état du terrain !
![]() |
aménagement final - source Engie Green |
un projet écocide et aberrant d'un point de vue environnemental
Le plateau du Deveson est au sein du Parc Naturel Régional des Baronnies Provençales. On peut donc se demander pourquoi on ne trouve aucun avis officiel de cette structure dans les documents de l'enquête publique.
"Le solaire thermique et photovoltaïque connaît un développement limité au regard de la situation privilégiée du territoire en termes d’ensoleillement (2 625 heures par an). Toutefois, les collectivités et propriétaires fonciers sont de plus en plus démarchés, voire envisagent ou développent des projets de centrales photovoltaïque au sol. Ces aménagements peuvent être éloignés d’une démarche de développement territorial durable."
"Le développement de la production d’énergies renouvelables sur le territoire doit être mené en cohérence avec les objectifs de préservation de la biodiversité, des paysages,du cadre de vie et de la vocation agricole (alimentaire) des terres, et de développement d’une ressource économique valorisable par les collectivités, acteurs et habitants, permettant d’atténuer les handicaps économiques d’un territoire rural de montagne."
On peut se demander si une installation photovoltaïque comme celle d'Oze, détruisant 17 hectares de forêt pour un bénéfice financier quasi inexistant pour la collectivité et ses habitants est parfaitement compatible avec les objectifs de la charte du Parc (dont ci-dessus un extrait).
D'autant que si l'on fouine un peu dans les divers documents mis à disposition du public on s'aperçoit que l'autorisation de défrichement (voir le document sur le site de la préfecture) accordée par la SCEA du domaine de Siva concerne aussi bien l'installation de panneaux solaires que l'implantation d'éoliennes.
Alors, en plus des panneaux photovoltaïques, bientôt des éoliennes sur le plateau du Deveson ?
Mais le plateau du Deveson est aussi dans le périmètre du SCOT Gapençais qui, comme le rappelait la Commission Départementale de la Nature des Paysages et des Sites dans sa séance 3 décembre 2024 ayant ajourné le dossier, classe la commune d'Oze dans un "ensemble paysager à préserver et conforter au titre de ses plateaux et vallons". Avec le projet ENGIE GREEN on en est très loin !
Autre Commission départementale à s'être interrogée sur le bien fondé du projet : la CDPENAF (Commission Départementale de la Préservation des Espaces Naturels Agricoles et Forestiers) qui ne doit qu'à la faible représentation de défenseurs de l'environnement en son sein, d'avoir émis un avis à peine favorable au projet par 9 voix contre 6.
![]() |
photo © Christian Aussaguel -site de la LPO |
De graves atteintes à la Biodiversité
On apprend, au détour des documents mis en ligne sur le site de la préfecture qu'une demande de dérogation pour destruction d'espèces protégées a été été établie par le porteur du projet conformément aux articles L411-1, L411-2 et L411-2-1 du Code de l'Environnement. Mais le formulaire CERFA réglementaire est absent des documents mis à disposition du public et on ignore les suites données à cette demande de dérogation par les services de l'État.
On devra donc se contenter de l'avis défavorable à l'unanimité du Conseil Scientifique Régional du Patrimoine Naturel de la région PACA lors de sa séance du 10 mars 2023.
Le Conseil Scientifique Régional relève dans la liste des 83 espèces floristiques présentes sur le site, deux espèces à "enjeu de conservation fort" : l'Orchis de Spizel et la Danthonie des Alpes et une espèce classée "vulnérable", le Cytise faux lotier.
Il relève également parmi les 18 espèces de mammifères recensées, 12 espèces de chiroptères dont 4 présentent un "enjeu de conservation fort" et qui seront impactés par l'abattage des arbres dans lesquels ils gîtent.
Enfin parmi les 67 espèces d'oiseaux inventoriés, le Circaète Jean-Le-Blanc (rapace spécialisé dans la chasse aux reptiles), nicheur possible à proximité du site, représente un "enjeu de conservation fort".
De son côté, la Mission Régionale d'Autorité Environnementale de PACA, dans son avis du 29 octobre 2023, précise que les mesures d'évitement et de réduction envisagées concernant le rapace, "ne semblent pas permettre la conservation de son territoire vital (chasse et site de nidification potentiel)"
Rappelons que le 4ème alinea de l'article L411-2 du Code de l'Environnement ne rend possible une dérogation pour destruction d'espèces protégées qu'à la condition que "la dérogation ne nuise pas au maintien dans un état de conservation favorable des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle".
On ne voit pas dans ces conditions une autorité accorder la dérogation à l'opérateur ENGIE GREEN si tant est que le formulaire ait été correctement renseigné.
La MRAe souligne également les "effets négatifs potentiels sur les oiseaux et les chiroptères fortement mobiles" observés dans la zone Natura 2000 "le Buech" distante de quelques centaines de mètres du projet de parc photovoltaïque.
Enfin, pour que cette dérogation à la destruction d'espèces protégées puisse être accordée, il appartient au promoteur de justifier "qu'il n'existe pas d'autres solution satisfaisante".
A cela ENGIE GREEN répond qu'il "a identifié le secteur sud de la communauté de communes du Buëch Dévoluy comme favorable au développement des énergies renouvelables" (voir document réponse à l'avis du Conseil Scientifique Régional du Patrimoine Naturel de la Région PACA, page 2).
Tiens, tiens, cela nous rappelle l'argument de Boralex justifiant son projet d'éoliennes sur la montagne d'Aureille, comme étant le seul site possible ... ENGIE GREEN utilise apparemment les mêmes éléments de langage que son confrère canadien : Ainsi il n'existerait dans tout PACA qu'un seul site favorable pour venir implanter ses panneaux photovoltaïques ?
Car, pour tenter de justifier la raison impérative d'intérêt public majeur de sa démarche, le promoteur solaire invoque sa contribution -pourtant bien modeste-aux objectifs nationaux, régionaux et locaux de production d'EnR. Et pour cela il invoque les objectifs de la PPE, du SRADDET ... qui dans la tourmente du gouvernement Bayrou risquent bien d'être sérieusement écornés en ce qui concerne le développement des EnR. (voir nos précédents articles des 2 juillet et 8 mai 2025).
Face à une telle hypocrisie, on peut espérer que l'enquête publique émette un avis défavorable, que la préfecture retoque ce projet moribond ... ou que la jurisprudence Boralex soit prise en compte lors d'un éventuel recours au Tribunal Administratif.
Mais, pour finir, laissons la parole de Tartuffe à ENGIE GREEN, qui pour justifier de son impossibilité de trouver un autre site (si possible anthropisé comme le demande le CSRPN PACA) déclare : "Cette distance (nb entre Oze et Veynes) au poste source est un critère essentiel d'implantation car les coûts de raccordement d'un parc solaire augmentent considérablement avec la distance... les coûts de raccordement sont de l'ordre minimum de 150 000 euros par kilomètre."
Avec une distance de raccordement de 7 kms effectuée en souterrain jusqu'au poste source de Veynes, il s'agit avant tout d'assurer la rentabilité économique du projet... et au diable la sauvegarde de l'environnement !
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire